Livio Maitan, 1923-2004

Submitted by AWL on 22 September, 2004 - 12:00

Avec Livio Maitan, le mouvement ouvrier italien et européen vient de perdre l'une des figures les plus marquantes de son histoire dans le second vingtième siècle, celui qui commence en 1945 et se termine en 1989.

[From the French Marxist bulletin Liaisons.]

Vénitien, intellectuel de valeur, amateur de foot, au contact facile et ouvert, Livio Maitan est à la suite de son engagement dans la guerre civile contre les fascistes, un dirigeant des Jeunesses socialistes italiennes. C'est dans ce cadre, alors qu'il représentait les JS italiennes à un congrès de la SFIO, qu'il est "gagné" à la IV° Internationale à Paris, par Ernest Mandel, en 1947. Avec des groupes de diverses provenances, il prend part à la formation de l'organisation trotskyste italienne. Lorsque Pablo, "secrétaire général de la IV° Internationale", exclut la section française (Lambert, Bleibtreu), en 1953, car elle n'accepte pas sa vision du monde où il faut à tout prix se rallier au "camp soviétique" et donc au PCF, Maitan est de ceux qui, comme Mandel, cautionnent Pablo, tout en limitant les dégâts dans sa section italienne, où une liberté de tendance réelle perdure. Progressivement, il la lance dans un "entrisme" conçu pour durer des décennies à l'intérieur du PCI, où elle recrute des dirigeants à l'échelle de plusieurs grandes villes (Turin, Rome, Milan, Palerme, Mazzara) et au niveau national.

La majeure partie de la génération de militants et de responsables communistes italiens "gagnés" et formés par Maitan s'éloignent en 1968 du trotskysme, identifié par eux à la perspective de passer sa vie au PCI dans une opposition officieuse, et les uns forment la principale organisation (avec Lotta Continua) de l'extrême gauche italienne, ou écrivent dans Il Manifesto (1969), cependant que d'autres se font staliniens, ce qu'ils n'étaient pas au PCI, en se faisant maoïstes ...

Ayant ainsi perdu la plus grande part de ce qu'il avait construit en vingt ans, Livio Maitan se trouve donc être, à son corps défendant, le père méconnu de l'extrême gauche italienne, dans laquelle son groupe, le GCR (Groupe Communiste Révolutionnaire) n'est qu'une petite minorité.

Mais, dans ces mêmes années, il joue un rôle clef dans le choix de la IV° Internationale (Secrétariat Unifié) de relayer les guérillas guévaristes en Bolivie et en Amérique latine. La "ligne de la guérilla en Amérique latine" aboutit à un fiasco général et souvent meurtrier et est laissée de côté en 1976.

A cette date, et de manière définitive, Livio Maitan est un dirigeant du SU, auteur de nombreux livres et articles et notamment "spécialiste" de la Chine et rapporteur sur le sujet dans les congrès mondiaux, la Chine qui, aux dernières nouvelles, était encore pour lui un "Etat ouvrier", grâce à l'armature de l'appareil de l'Etat et du parti, certes très, très "déformé", mais ...

La chute du Mur de Berlin et du bloc soviétique a mis fin au monde dans lequel, par lequel et pour lequel toute la culture politique de Livio Maitan s'était organisée et stabilisée. Mais en Italie, elle lui ouvre une possibilité nouvelle : le PCI scissionne, deux gros tiers devenant les actuels "Démocrates sociaux" dont les positions se situeraient, en France, quelque part entre Bayrou et Strauss-Kahn, un petit tiers formant le PRC (Rifondazione Communista) de Fausto Bertinotti, que ses liens avec la FIOM (syndicat de la métallurgie) puis avec les mouvements altermondialistes préservent et requinquent durant les années 1990. Livio Maitan, avec son courant Bandiera Rossa, est un personnage clef du PRC, un de ses fondateurs, un opposant de gauche officiel qui, dans tous les grands tournants, conforte les équilibres de l'appareil du parti. Il est comme un poisson dans l'eau dans ce monde partiellement rajeuni du communisme italien qui fut au fond sa famille spirituelle, dont il était un membre éminent, raffiné et habile.

Avec ce grand-père en short, un morceau d'histoire nous a quitté. Quelle que soient les erreurs et les impasses de sa génération politique, celle-ci avait, dans la IV° Internationale-Secrétariat Unifié, ainsi que dans le communisme italien, une culture politique et une culture tout court que l'on aimerait retrouver chez leurs successeurs ...

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