Venezuela: Le capitalisme d'État de Chavez vacille

Submitted by martin on 29 November, 2011 - 5:38

Traduction d'une article de Pablo Velasco, Solidarity 3/170, 2 April 2010.
 
Une décennie après que Hugo Chavez ait proclamé la «révolution bolivarienne» au Venezuela, son projet est enlisé dans la stagnation. Malgré toute la rhétorique sur le «socialisme du 21e siècle», le régime bonapartiste continue de présider sur un capitalisme vénézuélien et d'étouffer l'émergence d'un mouvement ouvrier indépendant authentique.

L'hostilité du gouvernement américain peut bien avoir fait de Chavez une icône «anti-impérialiste», mais c’est une chimère de croire que ses forces font partie de la renaissance des politiques de la classe ouvrière.

Récemment Chavez a ajouté trois jours pour les vacances de Pâques au Venezuela pour soutenir les efforts du gouvernement de réduire la consommation d'électricité, alors que le pays se débat avec une crise énergétique grave. Il a jetté le blâme des pénuries sur une période de sécheresse entraînant à la baisse le niveau d'eau des principaux barrages hydro-électriques du pays. Mais pour un État avec un flux massif de revenus du pétrole, il est ironique que cela devrait introduire des délestages dans des parties du pays et de limiter les heures de bureau au sein des organes de l'État.

En vérité, le modèle de développement capitaliste d'État tout entier a des problèmes. Déjà confronté à une forte inflation (27% l'an dernier), en janvier, le gouvernement a dévalué la monnaie. Ceci a amené davantage de revenus du pétrole et réduit le déficit budgétaire, mais au prix de l’exacerbation d'autres problèmes économiques.

La crise est bien illustrée par les alliances stratégiques internationales poursuivies par Chavez. Il a de nouveau louangé le président de la Biélorussie, Alexandre Lukashenko, avec d'autres soi-disant «partenaires stratégiques» à Moscou et à Kiev. Chavez continue également de faire bloc avec la Chine et l'Iran, une phalange d'États où les droits des travailleurs sont soit réduits ou inexistants.

Chavez a fait face à des élections à l’Assemblée Nationale en septembre 2010 et à une opposition avec un soutien minoritaire non négligeable. L'opposition a été renforcée par l'hostilité de l'administration Obama envers le Venezuela. Les responsables américains ont explicitement assimilé Chavez avec les FARC colombiennes.

Les socialistes ne peuvent donner aucun soutien à l’«opposition» de droite à Chavez. Un coup d'État soutenu par les États-Unis ou même une victoire électorale à froid pour l'opposition bourgeoise anti-Chavez serait beaucoup moins démocratique et beaucoup plus réactionnaires que tout ce que Chavez a fait à ce jour. Le coup d’État en 2002 au Venezuela a été un avertissement très détaillé de ce qu'ils feraient.

Cependant la gauche internationale ne doit pas fermer les yeux sur le caractère anti-ouvrier du régime de Chavez. Malgré tous les programmes sociaux qui ont été mis en œuvre, nulle part aujourd’hui au Venezuela la classe ouvrière n’est au pouvoir. Aucune entreprise n’est véritablement sous contrôle ouvrier, même si elles ont été nationalisées - ou même là où certains systèmes de participation ont été essayés.

Il n'y a pas non plus de puissant mouvement syndical. La fédération syndicale UNT existe principalement comme un nom, n'ayant pas de congrès faisant autorité, ni une direction élue. Le regroupement syndical des militants de la base, le CCURA, représente les forces les plus saines, mais ils sont farouchement opposés par des syndicalistes bolivariens liés à l'État. Le Partido Socialista Unido de Venezuela (PSUV) est une tentacule de l'État bourgeois, un mécanisme de contrôle bureaucratique de haut en bas pour permettre à Chavez de reproduire son régime. Les forces socialistes révolutionnaires sont faibles et divisées.

Ces dernières années il y a eu une répression importante des socialistes indépendants et des syndicalistes. Le 12 mars, la police d'Aragua, capitale de l'Etat de Maracay - dirigée par le chaviste Rafael Isea - a attaqué une manifestation de travailleurs et arrêté les militants. La marche, appelée par le syndicat UNT d'Aragua, a été soutenue par le CCURA et les groupes socialistes comme la Liga de Trabajadores por el Socialismo (LTS) et Unidad Socialista de Izquierda (USI). La protestation a été appelée contre les mesures économiques du gouvernement national, pour le jugement et le châtiment des assassins des militants socialistes Richard Gallardo, Luis Hernández et Carlos Requena, et pour la libération du chef syndical de Ferrominera del Orinoco, Rubén González , de Guayana, et du chef Yupka Sabino Romero.

Cette répression signale le piège représenté par l'appel de Chavez pour une «Cinquième Internationale», qu’il a fait en novembre 2009. Parmi ceux et celles qui furent invité-es à se joindre, il y avait les partis communistes et sociaux-démocrates d'Asie et d'Europe, les forces de libération nationale d'Afrique et du Proche-Orient, de nouveaux partis de gauche, comme Die Linke, le Bloc de gauche (Portugal), les Sandinistes, le MAS en Bolivie et, bien sûr, le PSUV. Des partis bourgeois comme les Libéraux de la Colombie, le PRI du Mexique et les Justicialistes argentins (péronistes) ont également été inclus. Le courant mandélien semblait très désireux de sauter sur un autre train populiste en marche.

Comme le LTS au Venezuela a fait valoir, cette «Cinquième Internationale» serait le contraire des quatre premières Internationales ouvrières. Elle serait «un large regroupement des anciens et des nouveaux appareils politiques – nombre d’entre eux vidés de tout réel activisme de la base militante - qui comprendrait même des gouvernements à la tête d’États semi-coloniaux ... les secteurs des vieux mouvements nationalistes bourgeois qui cherchent à se couvrir après des décennies de prosternation devant l'impérialisme, et divers courants populistes et réformistes et subordonnés à ces derniers, les mouvements sociaux, la jeunesse anti-capitaliste et même quelques «trotskistes» ... [regroupés] autour d'un discours nationaliste décoré avec des phrases socialistes et anti-capitalistes pour mieux servir une stratégie de pression et de négociation de concessions avec l'impérialisme et les bourgeoisies».

Un tel regroupement, tout en étant plus imposant numériquement en apparence, ne serait pas basé sur les politiques de la classe ouvrière - comme les véritables internationales ouvrières l’ont été jusqu'à leur disparition. Comme l'AWL l’a dit dès le début, ce qui est nécessaire est une analyse de classe du chavisme. Par une telle analyse, Chavez n'est pas un allié ou un ami des nôtres.

Traduction de Hugo Pouliot.

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