Le long chemin vers la paix en Israël-Palestine

Submitted by martin on 30 October, 2011 - 7:28

Sacha est un des neuf membres, sympathisants et amis de l'AWL (Alliance for Workers Liberty) qui sont en Israël / Palestine avec une délégation de solidarité pour participer à des manifestations, rencontrer des syndicalistes et des activistes palestiniens et israéliens. Adam Keller, un socialiste israélien et porte-parole du groupe pacifiste de gauche, Gush Shalom, a parlé à Sacha Ismail. (Note de la traduction : ce voyage de solidarité a eu lieu du 22 novembre au 2 décembre 2010).

J'ai été impliqué dans la gauche israélienne, dans toutes sortes de campagnes et de comités d'action ainsi que des partis politiques, depuis l’époque ou j’étais à l'école. J'ai la même position que votre groupe: un règlement à deux États, sur les frontières de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux États.

J'ai eu beaucoup de contact avec l'AWL depuis le début des années 80. Plusieurs fois, j'ai visité l'Angleterre sur votre invitation, une fois j’ai fait un mois entier de conférences et de réunions, de Canterbury à Newcastle. Je me suis fait chahuté plusieurs fois par le SWP ! Je comprends que vous ayez le même genre de problèmes maintenant.

Je suis socialiste, mais Gush Shalom n'est pas un groupe socialiste. Gush Shalom a seulement une politique sur le conflit israélo-palestinien. En principe, vous pourriez vous joindre si vous êtes thatchérien, mais en accord avec notre position sur le conflit. En pratique, la plupart des gens sont de gauche, mais beaucoup ne sont pas socialistes. L'égalité civile en Israël, la lutte contre le racisme et ainsi de suite, font partie intégrante de notre lutte en faveur des Palestiniens.

J’ai été également impliqué - et une fois je me suis présenté comme candidat à la Knesset pour - le Front Démocratique pour la Paix et l'Égalité, Hadash, qui est lié au Parti communiste israélien. Je ne suis pas un membre du PC, et je n'étais pas friand de l'URSS alors qu'elle existait. Mais c’est le seul vrai parti politique en Israël où il y a un réel partenariat entre les Arabes et les Juifs.

Le député du Hadash à la Knesset avec qui j'ai le plus de contact, Dov Khenin, se tourne vers Gramsci comme penseur. Il n'est pas vraiment un stalinien.

Une réalisation tout à fait remarquable de Kenin est qu’il se présenta à la mairie de Tel-Aviv, et a obtenu 31 pour cent du votes avec l’appui d’assez grands mouvements populaires, autour de questions comme les transports publics, le logement et l'environnement. Il a obtenu le soutien des bidonvilles du sud de Tel-Aviv, qui sont de droite dans les politiques nationales, en acceptant d'être en désaccord au sujet des Palestiniens et de s'entendre sur des questions locales ou de classe. Le maire actuel est affilié au Parti travailliste, mais est un promoteur assez cohérent des intérêts des riches contre les pauvres.

En Israël, la gauche et la droite sont généralement définies par le conflit, ce fût donc un changement.

Je suis parfois impliqués dans les luttes des travailleurs ou concernant les problèmes sociaux, mais mon travail principal porte sur le conflit. C'est plus que suffisant pour fournir du travail à temps plein pour un militant!

Gush Shalom a commencé en 1992, peu après que Rabin ait été élu Premier ministre d'Israël. Rabin a commencé avec une politique de fermeté. Après qu’un policier israélien ait été kidnappé et tué par le Hamas, son gouvernement a arrêté 400 Palestiniens impliqués dans des groupes islamistes et les a déporté au Liban. C’étaient des militants politiques non militaires et qui n’étaient pas impliqués dans le meurtre.

Nous ressentions que le mouvement pour la paix le plus établi, par exemple La Paix Maintenant, était très modéré, en particulier parce que c'était un gouvernement du Parti travailliste. Nous avons eu une grande réunion publique et nous en sommes sortis pour entamer un campement devant le bureau de Rabin, et pour rester jusqu'à ce que les déportés soient autorisés à revenir. Les tentes ont été mises en place par des Bédouins du Néguev. Nous sommes restés pendant deux mois. Nous avons eu beaucoup de discussions, notamment avec de nombreuses personnes musulmanes et même islamistes. Nous avons discuté de la religion et de la politique et comment ils interagissent.

Le nom de notre groupe a été le Comité juif-arabe contre les déportations.

En 1993, lorsque Bill Clinton est arrivé au pouvoir il y a eu un accord avec Rabin que les déportés pourraient revenir à l’intérieur d’un an, mais nous avons décidé de poursuivre une campagne plus généralisée. Ce fut le début de Gush Shalom.

Peu de temps après, il y a eu une rumeur de négociations secrètes avec l'OLP. Je me souviens que nous avons manifesté devant le siège du Parti travailliste, et nous avions un grand dessin de Rabin et Arafat se serrant la main. A l'époque c’était une sorte de science-fiction, et pourtant trois mois plus tard c’est devenu réalité!

Il y a eu un temps, après les accords d'Oslo ou nous avons eu de grandes illusions que notre travail était presque terminé. Nous nous sommes retrouvés à soutenir Rabin.

En fait les accords d'Oslo ont été conçu par des intellectuels israéliens et palestiniens de bonne volonté, avec l'aide d'intellectuels norvégiens. Ils ont laissé beaucoup d’espaces vides importants, pensant qu'ils pourraient être remplis plus tard. Ils avaient l'idée que les petits problèmes pourraient être résolus d'abord, et les grands plus tard. Avec le recul ce n'était pas une bonne approche.

Les gens qu’on a laissé remplir les espaces vides furent l'armée, les services secrets et les colons. Ils ont donné le minimum seulement, et ils n'ont jamais offert jusqu’à aujourd'hui ce qu'ils pourraient donner demain. Les personnes en position de responsabilité ont fait en sorte que l'occupation puisse continuer et que les colonies puissent rester et croître.

Puis il y a eu la question des prisonniers palestiniens. Il y en avait des milliers et des milliers dans les prisons israéliennes. Nous avons plaidé pour une amnistie générale, qui aurait donnée un formidable élan au processus de paix, puisque la plupart des familles dans les territoires occupés ont ou ont eu quelqu'un en prison. Moins de 10 pour cent ont été libérés. En conséquence, la direction palestinienne a mené une série d'actions contre Israël.

Il y avait un sentiment de frustration et de déception des deux côtés. Les Palestiniens ont été déçus, tandis que l'aile droite en Israël a capitalisé sur le petit nombre de libérations.

En 1994, il y a eu un massacre à Hébron, où le juif extrémiste né aux États-Unis, Baruch Goldstein, a massacré 29 fidèles musulmans. En réponse il y a eu une vague d'attentats-suicide en Israël. On oublie souvent que ce n'était pas arrivé auparavant.

Il y a eu beaucoup de manifestations de droite contre Rabin, vraiment violentes, demandant aux gens de le tuer. Nous avons organisé notre propre rassemblement, et 200.000 personnes se sont présentées. Après la fin du rassemblement, des centaines de jeunes sont restés pour parler et danser, avec la musique de samba brésilienne. C'est alors que nous avons appris que Rabin avait été abattu et transporté à l'hôpital, et nous avons appris qu'il était mort.

Les jeunes ont changé le nom de la place pour la place Rabin, et le maire opportuniste de Tel Aviv a rendu ça officiel. Maintenant, il y a toujours un rassemblement commémoratif de gens favorables à la paix, en général 100 000 ou plus. Ce large mouvement est pro-paix dans un sens vague et général, la minorité de gauche qui en fait partie est anti-occupation.

Bien sûr, je n'aime pas le Hamas, et dans un État palestinien indépendant, je ne voudrais pas qu'ils gagnent les élections. Mais ce n'est pas le point ici.

1. C'est aux Palestiniens de définir qui les représente. Si vous commencez à désigner vos Palestiniens préférés, c'est problématique.

2. Toute tentative israélienne d'exclure le Hamas aide seulement ce dernier.

Quand j'ai été impliqué la première fois en politique, l'idée que vous parliez à l'OLP était très radicale. Pendant sept ans, il était illégal en Israël de rencontrer ou de serrer la main à un membre de l'OLP et vous pouviez récolter trois ans de prison. (J'ai violé cette règle quand j'ai visité la Grande-Bretagne avec l'AWL!) Nous avons toujours demandé au gouvernement de leur parler.

Le Hamas n’est pas la même chose que l'OLP, mais le principe de base est le même. Au lieu de cela les Etats-Unis et Israël ont aidé les services de sécurité palestiniens à commencer une guerre civile contre le Hamas.

Israël avait de bonnes chances de conclure un accord avec Arafat. Un accord conclu avec lui aurait pu rester. Au lieu de cela, cependant, ils ont délégitimé Arafat, et maintenant il y a une direction palestinienne en Cisjordanie qui n’est pas du tout représentative.

J'ai fait face à beaucoup de choses horribles dans ma vie en tant qu’activiste pour la paix - dénigrement, menaces de mort - mais rien n’est aussi difficile que de persuader les Israéliens que l'offre «généreuse» faite par Ehud Barak à Camp David ne fût pas si généreuse. Elle paraissait bien parce qu'il était disposé à parler de Jérusalem, ce qui était quelque chose de nouveau. En fait, les Palestiniens se sont fait offert uniquement la vallée du Jourdain et pas de contrôle réel.

Le récit officiel est que les Palestiniens sont sortis pour un maigre deux ou trois pour cent. En fait, on leur a proposé un échange de terres, mais qui n'était pas égal en territoire ou en valeur. Barack a offert un kilomètre carré pour les neuf qu’il prenait, et a voulu prendre toutes les terres les plus fertiles, en échange de désert.

Je doute que même un pour cent des Israéliens savent tout cela! Le résultat aujourd'hui est que la plupart des gens en Israël pensent que la paix a été tenté, a échoué et est impossible, avec des conséquences désastreuses pour la gauche et le mouvement pour la paix. Nous avons été capables de tenir des rassemblements de centaines de milliers de personnes dans le passé, et maintenant quand nous avons quelques milliers, nous sommes heureux.

Pendant la guerre du Liban en 2006 et la guerre contre Gaza, il y a eu beaucoup de manifs, même des grandes, mais il n'y a pas eu de croissance du mouvement. Les mêmes personnes ont été impliqués au début et à la fin.

Nous n'avons pas réussi à obtenir le genre d'effet boule de neige que nous avions pendant la première guerre du Liban en 1982.

Je pense que la stratégie de Sharon [plus tard Premier ministre, Ariel Sharon était ministre de la Défense à l'époque] était qu'il voulait l'expulsion de tous les Palestiniens du Liban, ensuite de la Syrie, et puis de la Jordanie, de sorte que la monarchie hachémite serait tombée et il y aurait eu un État palestinien sur la rive orientale du Jourdain et ainsi plus d’espace pour qu’Israël s’étende sur la rive occidentale. Nos protestations ont contraint Sharon à quitter le ministère de la Défense, et nous avions pensé nous débarrasser de lui pour de bon!

Dans les guerres récentes, il n’y a rien eu de tel. Nous sommes une petite minorité militante. Pendant la guerre de Gaza, nous avions environ 10 000 personnes, ce qui n'est pas mauvais, mais ce n’est pas sur la même échelle.

Le problème fondamental est ce sentiment chez les Israéliens que la paix a été tenté et a échoué. C'est comme le problème d'expliquer le socialisme quand la plupart des gens pensent que l'expérience du stalinisme a été une expérience du socialisme. Nous avons besoin de dire que ce n'était pas le socialisme, et que ce n'était pas la paix, mais c'est difficile à expliquer!

Pour cette raison je ne pense pas que la paix viendra comme un résultat d'une effervescence générale de l'intérieur d'Israël. Nous avons eu une chance pour ça en 1993, mais plus maintenant. Ce qui peut arriver maintenant, c'est une paix imposée de l'extérieur, en particulier par les Etats-Unis, avec un certain soutien à l’intérieur d'Israël.

Les Arabes sont une grande minorité en Israël, plus de 20 pour cent, mais ils sont privés d’une réelle influence dans la vie politique. Parmi les Juifs, peut-être 10 pour cent sont vraiment pro-paix, avec 10 pour cent engagés pour un Grand Israël. La plupart des gens pense que la paix a échoué, mais ne sont pas très enthousiastes non plus à l'idée d’une solution militaire. Ils pourraient soutenir la guerre ou la paix tout dépendant de ce que décidera le gouvernement.

Quand Sharon a décidé de retirer les colonies de Gaza en 2005, et de remplacer l'occupation directe par un siège prolongé, la droite religieuse / nationaliste s’est mobilisée sur une grande échelle, mais ils n’ont pas réussi à mobiliser des forces plus larges. Cela pourrait se produire à nouveau. Il y a des discussions à l’effet qu'ils pourraient recourir à un soulèvement armé, ou même un coup d'État militaire. L'armée devient de plus en plus à droite, avec sans doute des nationalistes religieux comprenant une majorité du corps des officiers subalternes, et bientôt sans doute le corps des officiers supérieurs. Donc, il y a un débat parmi les gens de gauche s’ils devraient ou non rejoindre l'armée pour neutraliser cette menace.

Je n'exclus pas un renouveau de la gauche. Beaucoup de choses que nous pensions absurde ou impossible, bonnes ou mauvaises, ont eu lieu. Mais je pense que le scénario le plus probable est la pression de l'extérieur. Je crains que cela signifie d'en haut. Je n'aime pas cela, je préfère de beaucoup les pressions de la base, de l’intérieur de la société israélienne. Mais alors que les Israélien-nes se mobilisent sur de nombreuses questions - les droits des homosexuel-les, l'écologie et beaucoup d'autres - il est désormais difficile de les mobiliser pour la paix.

Je dois ajouter que certaines personnes soutiennent un règlement à deux États pour des raisons essentiellement racistes - ils veulent Israël comme un Etat juif, et espèrent se débarrasser de la population arabe. Les principales organisations pour la paix, comme La Paix Maintenant se plient à cela jusqu’à un certain point. Sur le côté positif, certaines forces de la gauche sioniste, par exemple la jeunesse socialiste sioniste, sont devenues un peu plus radicalisées.

Les choses les plus utiles que vous pouvez faire sont tout d'abord de demander que si les Palestiniens vont à l'ONU pour demander la reconnaissance unilatérale cette année, comme certains spéculent, le gouvernement britannique et l'UE soutiennent cela. Deuxièmement, Israël a mis une grande pression sur la Grande-Bretagne pour abolir la loi qui permet de juger des criminels de guerre à travers le monde par des tribunaux britanniques.

Il est essentiel que vous défendiez cela. Je sais que cela semble ridicule, mais si les généraux israéliens sentent que leurs vacances à Londres sont menacées, ça peut les dissuader de perpétrer certains des crimes de guerre les plus extrêmes. Garder cette loi pourrait littéralement sauver des vies à Gaza et en Cisjordanie.

Traduction de Hugo Pouliot.

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